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"Faire son deuil", qu'est-ce que ça veut dire au juste ?

Dernière mise à jour : 27 nov. 2023

"Faire son deuil", "deuil pathologique", "étapes du deuil"... Autant d'expressions comme de formules toutes faites, devenues standards à suivre et à respecter lorsque nous perdons un être cher, un travail ou un lieu de vie. "Faire son deuil" s'est transformé en une double injonction, d'abord celle de devoir le faire, et ensuite selon une norme, en suivant un nombre prédéfini de phases, les unes après les autres, si possible dans le bon ordre, jusqu'à avoir terminé le processus, jusqu'à avoir "fait son deuil". Mais qu'est-ce que cela veut dire au juste ? Qu'est-ce qu'il s'agit de faire dans cette histoire-là ?


"Faire son deuil" s'est transformé en une double  injonction, d'abord celle de devoir le faire, et ensuite selon une norme, en suivant un nombre prédéfini de phases, les unes après les autres, si possible dans le bon ordre, jusqu'à avoir terminé le processus, jusqu'à avoir "fait son deuil". Mais qu'est-ce que cela veut dire au juste ? Qu'est-ce qu'il s'agit de faire dans cette histoire-là ?

Le décès d'un père, la disparition d'une amie, la perte d'un travail ou d'une maison de famille, la maladie de son conjoint, le divorce ou la rupture amoureuse, tous ces moments constituent en soi des expériences de perte et de manque. Parfois soudaines, brutales ; parfois prévues, accompagnées. Qu'importe finalement, la perte est là, tel un bouleversement dans l'existence. Et que nous le voulions ou non, il va falloir trouver le moyen de faire avec. Et c'est là que l'obligation de "faire son deuil" émerge et interroge.


Parce qu'il arrive que "ça ne marche pas", que nous nous s'efforçons, jusqu'à nous forcer de tout notre chagrin et de toute notre énergie, à passer à autre chose ; et pourtant, "ça ne marche pas". Et nous voilà non seulement incapables de "faire notre deuil", comme si vivre cette épreuve impliquait une capacité spécifique dont nous serions dépourvus, mais vient s'y ajouter le sentiment de honte et de culpabilité de ne pas y arriver. Triple peine.


Et c'est sans compter la réaction sociale et ses injonctions contemporaines au bonheur, à l'épanouissement tant personnel que professionnel, et au contrôle de soi qui font alors de la tristesse et de la colère des émotions dites "négatives" ou encore "toxiques", et qui dès lors n'ont pas droit de cité. Quadruple peine.


Effondrés et perdus avec notre chagrin et notre perte, devant l'obligation de "faire notre deuil", en respectant des étapes prédéfinies, il nous faut de surcroît le vivre selon une durée limitée, au-delà de laquelle notre deuil devient "pathologique". Et nous voilà devenus malades de chagrin. Quintuple peine.


Alors, que faire lorsque "ça ne marche pas", lorsque "je n'y arrive pas" ? Autrement dit, de quoi s'agit-il dans cette affaire-là ? Qu'est-ce qu'il s'agit de vivre au juste dans ce qui est considéré comme un "travail de deuil" ?


Vivre un deuil, éprouver une perte est un moment d'une intimité indicible, presque impossible à dire. La réalité se brise, la douleur nous plie en deux, les larmes pleuvent sans discontinuer, le chagrin coupe notre souffle et le manque est insoutenable. Comment continuer à vivre sans l'autre, avec son absence ? Comment faire avec ce qu'il reste, avec les traces, avec le manque, sans s'effondrer rien qu'à en effleurer l'idée ?


Peut-être qu'au lieu de "faire son deuil", nous pourrions envisager de le traverser, en prenant notre temps, en choisissant à tâtons la manière dont nous avons besoin de vivre ce temps-là, en respectant les moyens dont nous disposons.

Peut-être qu'au lieu de "faire son deuil", nous pourrions envisager de le traverser, en prenant notre temps, en choisissant à tâtons la manière dont nous avons besoin de vivre ce temps-là, en respectant les moyens dont nous disposons. Peut-être même que nous refusons d'accepter cette réalité parce qu'elle est trop douloureuse, pendant des mois, des années, et que nous préférons vivre avec ce chagrin, tel un compagnon, pour éviter la solitude. Et alors ? Et pourquoi pas, si cette période nous est nécessaire avant d'envisager quoi que ce soit ? S'approprier cette traversée, choisir ce que nous avons besoin d'y mettre, comment nous voulons la vivre, loin des injonctions ou des normes sociales ou psychologiques : c'est respecter son intimité et sa douleur, c'est apprendre à faire avec cette perte, c'est se donner le temps. C'est vivre la traversée du deuil pour laisser revenir la vie, pour créer une nouvelle place à la joie, sans avoir l'impression d'abandonner ou de trahir celle ou celui qui est parti-e. Car c'est de cela finalement dont il s'agit : ne plus être envahi, débordé par le chagrin, et laisser la vie revenir dans son existence, au coeur de notre quotidien, en célébrant à notre façon celle ou celui qui n'est plus là, tout en s'autorisant de nouveau à jouir de la vie.


Vous avez le droit de vivre votre deuil de la manière qui est la vôtre, quand bien même elle vous semble étrange, décalée ou non conventionnelle. Cela peut prendre la forme d'un besoin de le vivre seul, isolé avec vous-même, ou au contraire entouré de vos amis et proches. Tout comme vous pouvez ressentir la nécessité de le vivre accompagné et soutenu, dans un lieu qui vous est intime, dans le cadre d'une thérapie individuelle ou d'une thérapie de groupe. A vous de décider, c'est votre deuil.





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